mardi 10 septembre 2024

11 - Par tous les flots

La morosité du ciel alourdi d'enclumes, la tristesse de l'horizon plombé par les flots sombres, l'ennui des averses sans fin sur les labours bercent mon coeur épris de crépuscules, de pluie, de grêle, de neige fondue et autres langueurs humides.
 
Ces deuils immenses de la nature me réjouissent. Et parfois même m'enflamment. Lorsque la nue est en larmes, je suis en fête.
 
Moi, j'aime quand le temps est pesant, obscur, sans espoir de printemps.
 
Tandis que mes bottes s'enfoncent dans les profondeurs de la terre ténébreuse, froide et boueuse, mon âme s'allège. Je suis ainsi fait que le champêtre spectacle de la mélancolie, de la tourmente, de la douleur me met en joie.
 
C'est dans cette eau austère, cette ombre considérable, cette nuit trempée que je trouve de quoi abreuver la bête poétique qui gît en moi.
 
Loin de la ville et de ses faux éclats, je me sens bien dans ces décors de fin du monde.
 
C'est le loup que je désire, non l'agneau. C'est la glace qui me fait frémir, non la tiédeur. C'est l'orage qui me fait rêver, non le calme.
 
Ce qui me plaît, ce n'est pas la platitude des jours bêtement heureux, mais la vie agrémentée de cailloux,  l'azur enrichi de frissons, les lendemains qui déchantent délicieusement sous la tempête...
 
Je cherche la savoureuse âcreté de l'existence, non la fadeur d'une paix dominicale.
 
Le sucre m'écoeure mais le vinaigre me comble. Les parfums en flacons m'incommodent, la puanteur des sangliers m'enchante. Le miel me donne la nausée, le poivre des ailes.
 
Ma peau n'est pas faite pour la soie mais pour l'écorce. Je préfère la compagnie des rats de septembre à celle des papillons de mai. Au lieu de la caresse lénifiante des fleurs stupides gorgées de mollesse, je veux recevoir la gifle revigorante des épines pleines de sève et de lumière, de rage et d'amour !
 
Ce qui pique nous rend vivants, ce qui est flasque nous endort.
 
À mes yeux la ronce vaut mieux que la rose parce qu'elle a l'angulosité de la pierre, la sévérité de l'éclair, la douceur de la foudre.
 
La première réveille les morts, la seconde fait vomir.
 
L'aiguillon sauve les hommes blasés, gavés, obèses. L'abus de soleil, de confort et de plaisirs cotonneux les fait devenir amorphes.
 
C'est pourquoi je cherche non pas de ternes espaces d'inoffensive verdure mais des trous d'humus, des gouffres de tonnerre et des champs d'orties.

Pour me laisser imprégner par tous les crachats célestes, me rouler dans l'onde brute, m'ouvrir au souffle sacré qui me tient sans cesse en éveil.

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