J’errais dans des champs de boue, loin de mon foyer, perdu, déprimé,
traversant la plaine détrempée en quête de chaleur.
Avec pour seules compagnies la grêle, les nues sombres et mes idées
noires.
Je n’avais rien dans le ventre, plein d’ombre dans le coeur, du plomb dans
l’âme.
Et des pierres sur mon chemin.
Mes uniques horizons : le froid, la fatigue, la solitude.
Un mur de ténèbres et de sinistrose contre lequel, bientôt, j’échouerai en
attendant l’aube pensais-je, résigné.
Et puis là, comme isolée au centre du néant, une flamme ! Un toit, un âtre, un
asile... Un refuge, enfin !
Je frappai à la porte, soulagé.
Une bête taciturne m’ouvrit. Visage fermé, regard méfiant, dos courbé, le
rustre ne me rejeta cependant point.
Quatre hôtes patibulaires occupaient la masure. Deux hommes et deux femmes
attablés, visiblement importunés par ma venue.
Devinant ma détresse en voyant mon allure misérable, ils me firent signe de
me joindre à leur souper.
Tout chez ces rustiques, dans cette maison, dans cette soirée hors du temps
et du monde transpirait le deuil, l’austérité, la morosité.
Je compris que l’amertume de ce quatuor de “marchands de tristesse” serait
le prix de mon réconfort.
A leur table j’avais au moins un repas, un peu de repos et plus de pluie,
en échange de leurs sentiments d’enclumes et de leur silence plus lourd
encore.
A prendre ou à laisser. Je pris donc.
Sur le point de m’asseoir à leur coté, je m’aperçus d’une chose
prodigieuse... Les diverses faces, crasseuses, burinées, ridées, grossières semblaient faiblement éclairées par une source de clarté inconnue...
Les trognes cafardeuses brillaient légèrement comme des cierges pâles dans
la pénombre de cette demeure suintant le désespoir.
Très vite je me rendis compte que la lumière provenait de leur
assiette.
La fontaine de joie qui, dans ce lieu lugubre et en ce soir de mort
pluvieux, glacé, accablant, jetait ainsi des lueurs de vie sur leur sales
bobines - et j’en fus émerveillé - c’étaient des endives !
VOIR LA VIDEO :
https://youtu.be/P8shWxX5dnA
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire