mardi 10 septembre 2024

18 - Le silence de la forêt

On l'imagine, non sans un délicieux effroi, peuplée de loups, investie par des êtres mystérieux, régie par des forces d'un autre monde, hantée par d'inquiétantes présences... La réalité est plus pragmatique, plus paisible, plus décevante aussi pour ces fous idéalistes : la forêt est civilisée, rangée, ordonnée, sans surprise.
 
Fondamentalement soporifique.
 
Elle est le dernier endroit où les foules partent se réfugier car il ne s'y passe jamais rien.
 
Il n'y a pas plus monotone que cet océan végétal où nul évènement ne survient du matin jusqu'au soir, à part le vacarme des champignons qui poussent, le concert fracassant de la brise qui fait frémir quelques feuilles et autres tonnerres assourdissants s'échappant de l'humus.
 
Quant à la nuit, c'est encore pire !
 
Ce lieu déjà hautement trépidant devient alors un vaste tombeau de silence et d'inertie. Et c'est bien là que la sylve se montre réellement effrayante. Si nul ne vient s'égarer dans la profondeur des bois, c'est bien pour la raison que l'on y meurt d'ennui.
 
Là où il y a des millions d'arbres, vous ne croiserez pas un seul humain normal. Les bipèdes ordinaires préfèrent les grands espaces ouverts : mer, montagnes, campagne, déserts, et toujours sous le Soleil, en plein vent, entourés d'immensités.
 
Les hiboux solitaires de mon espèce aiment par-dessus tout fuir l'agitation du siècle et se terrer dans la pénombre sylvestre, en quête de torpeur, de lenteur, d'isolement, à l'écoute des choses humbles, minuscules, invisibles.
 
Le royaume boisé est un gouffre de léthargie où tous ceux qui y pénètrent s'y font volontiers oublier.

C'est un éternel crépuscule où viennent s'endormir les hommes d'esprit et de plume.

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