mardi 10 septembre 2024

87 - Un drôle de personnage

Avec son manteau troué, ses allures de dadais dégingandé, il ressemble à un Croquignol endimanché.

Fixe du matin au soir, il se lève tôt et ne se couche jamais. Il savoure les heures qui passent et jeûne le reste du temps.

Sans cesse affamé, il festoie avec deux fois rien : sa soupe est faite de brume et de grêle. Et quelques nuages en guise de lait. Quant à son vin, c'est encore un peu plus d'eau...

Il fait maigre les mardi-gras et se gave de boue, de cailloux ou de poussière les autres jours.

C'est un ventre-creux aux épaules larges qui garde sa ligne. Et l'horizon.

Repu de misères, il déploie ses ailes sous le soleil de mars en racontant des salades aux corbeaux. J'aime son caractère fantasque, son aire de vie, les ourlets de ses pantalons raccourcis.

Son parapluie est un rempart contre l'humidité. Il l'ouvre toujours au moment où les passants menacent postillons. Et le ferme lorsque les premières gouttes d'orage touchent le sol. Paré de son accoutrement "pluviesque", il effraie les femmes, fait signe aux poètes, charme les enfants. A travers ses chaussures trempées, il rallie pèlerins égarés et vagabonds des saisons qui voient en lui leur égal.

Ses amis se comptent par nuées : oiseaux du ciel et hommes de la terre, passagers de l'air et hôtes de la nuit. Avec ses poches pleines de vent, son chapeau de paille et son lit d'épeautre, il est riche comme un radis, fauché comme un prince. Dernier des blés, premier des buveurs de flotte, planté comme un vieux pieu, il végète. Heureux.

Grand buvard de pluie avare de mots, avide d'azur, allié d'Eole, ce génie des champs est un compagnon recommandable, un cousin des foins, une silhouette au loin. 

Quand tombe l'obscurité et que plane le silence, tandis que vous dormez et rêvez, aux étoiles qui se penchent au-dessus de son épaule il aime à raconter son sort d'épouvantail.

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