mardi 10 septembre 2024

47 - Ché picards des camps

(Les picards des champs)

Mortels sont certains villages de la Somme à la morne saison. Sous la pluie, la brique rouge se fait plus grise et les gouttières qui débordent hantent les âmes de leur chant monotone. Alors les casquettes longent les murs, les aboiements deviennent déprimants et les clochers lugubres. 

Triste est la campagne du nord quand on en exhume les betteraves à sucre, sombre est le ciel de là-bas à la récolte des endives qu'on épluche devant l'âtre... Le temps des patates cependant réjouit les coeurs picards : la frite jaune qu'accompagne la bière dorée égaient ce pays de peupliers et de crachin.

Les chemins de craie sous l'onde mènent vers des horizons pleins d'ennui : l'âpre paradis autour de ces bourgs d'enterrés est fait de peine et de larmes, de langueur et de grisaille. Et puis il y a aussi, partout, le souvenir des batailles de la "14"... Sans oublier les corbeaux qui, avec leurs plaintes rocailleuses, donnent un relief funèbre au lointain trop plat.

Le soir au troquet le tabac est âcre et le jus sent la gnôle, les moustaches sont épaisses et les mots toujours les mêmes. Mais les bras restent grands ouverts et les faces demeurent souriantes. Dans les brumes de l'ivresse on cause chasse, pièges-à-loups, charbon, saucisses, braconnage, femmes.

Dans les rues désertes les nuits sont de longs rêves humides et glacés.

L'aube sous les pleurs sans fin de l'automne est cafardeuse, la rosée lourde, le café exquis.

J'aime les trous perdus de la Picardie intime : c'est dans ces terres froides et trempées, noires et profondes que j'ai pris racine.

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