Le soir tombe comme une promesse de malheur sur ma demeure isolée.
J'entends la tourmente qui se lève : je sais qu'elle formera bientôt un
océan de fracas et de pleurs sur le monde. Je m'enferme bien vite dans ma maison
car la tempête frappe déjà à ma porte.
De la céleste obscurité s'abattent des flots d'effroi, des averses de
misère et des tonneaux de mauvais rêves. Ces lourdes vagues roulent sur les
tuiles, faisant gronder le toit et déborder les gouttières. Et loin sur les
terres se répandent des hurlements éoliens.
A l'abri entre les murs épais de mon vieux logis, je frémis en me
recroquevillant devant l'âtre. Dehors, c'est un déluge de peur, de froid et de
chaos !
J'ai l'impression de n'être plus qu'un naufragé statique dans un phare aux
prises avec l'intempérie, une lanterne vacillante au sommet d'une falaise
balayée par la bourrasque, une chandelle dans un sémaphore giflé par les ailes
noires de je ne sais quels dragons nautiques...
Autour de moi la forêt gémit, des troncs sont fracassés, des branches
pulvérisées, des spectres brisés. Des ombres vastes et profondes s'affrontent
dans les nues. Et du haut de ces sombres altitudes dégringolent les os de la
nuit mêlés aux eaux en furie.
Les squelettes du ciel se disloquent sur le sol.
Et moi pendant ce temps, toujours réfugié auprès de ma flamme, gagné par le
sommeil, je somnole, bercé par le doux tapage des éléments. Je demeure ainsi une
heure à voyager entre fantasmes et réalité dans ma semi-léthargie, au pied de
mon foyer crépitant et peuplé de fantômes.
Puis, averti de l'heure tardive par les dernières étincelles de ma
cheminée, je pars me coucher, tandis qu'à l'extérieur des clameurs inquiétantes
hantent les ténèbres.
Au petit matin en ouvrant mes volets je découvre un paysage ravagé mais
redevenu paisible, éclairé par un soleil printanier.
L'aube divine rayonne sur le terrain jonché des cadavres de l'orage.
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