Je cheminais dans l'air frais du soir, posant un oeil curieux sur les choses de ce monde.
Le chant des corbeaux conférait au crépuscule de ce premier jour d'automne des profondeurs de caveau, des ombres brillantes, des légèretés sépulcrales : ma joie de sybarite ténébreux était à son comble.
Au loin, à l'horizon, dans les nues, des promesses de fêtes sanguines et de rêves lourds.
Partout autour de moi dans ce paysage sinistre et apaisant, l'espace, la solitude, la brume, l'âpreté...
Une sorte de cloître naturel. C'est-à-dire une forme d'immensité.
L'heure du couchant comme un voyage étrange de la clarté à la nuit.
Dans cette ambiance à la fois sereine et cafardeuse, pesante et irréelle, austère et onirique, un ciel en mon être s'éveillait et désirait des océans, des montagnes, des orages, des vertiges et du fracas, de la flamme et de l'écume, du roc et de la lumière !
Les oiseaux noirs au-dessus de ma tête arboraient des ailes éclatantes et leurs cris rauques m'enchantaient.
Plongé dans ce décor dense et obscur propice aux ivresses de l'âme, ma vue intérieure s'élargissait. Des portes impalpables s'ouvraient, des fenêtres invisibles apparaissaient, des astres nouveaux s'allumaient...
Il me suffisait de marcher entre ces champs boueux, sur cette route perdue, dans cette campagne désolée pour me sentir voler et me retrouver très haut. De là, rien à mes yeux ne semblait vain : ni le sommet ni le gouffre, ni la ronce ni la fleur, ni le terne ni le lustre, pas plus la cendre que l'étincelle.
Tout dans la Création reflétait la gloire. Que ce soit de la nécessité la plus brute au superflu le plus gratuit. Je comprenais cela depuis mon regard neuf, entre le sol et l'infini.
Je devinais que tout avait sa place sur Terre et dans le reste de l'Univers, du majeur au mineur, de la goutte de pluie au grain de sable, de l'étoile à la glace et de la rose au purin.
Alors émerveillé et interrogateur, je poursuivais mon chemin dans l'obscurité naissante, le pas alerte, le coeur battant, adressant des pensées mystérieuses -ou des prières sans fin, des feux sans mesure- aux cailloux, aux herbes, au vent, à ces créatures aux plumes de deuil croassant avec mélancolie derrière moi, là-bas dans le lointain...
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