mardi 10 septembre 2024

63 - Loqueteux et stellaire

Lettre écrite à un vieux paysan sarthois déphasé, mi-chouette, mi-chouan.

PAYSAN DE LUNE

Mon cher Monsieur Diard,

Savez-vous, Monsieur Diard, que le chemin qui mène au «Clos Chauvin» est un joli poème où les esprits délicats viennent s'enivrer du bon air qui en émane ? Moi je vous le dis, votre demeure me fait songer à un refuge, un jardin secret hors du temps et du monde. Une espèce de paradis terrestre où hommes, plantes et bêtes vivent en harmonie. Comment peut-on se priver de cette divine retraite ? Ouvrez-moi la porte de ce havre de paix qu'est le «Clos Chauvin», j'ai besoin de respirer l'herbe et le foin de vos prés, besoin de sentir souffler la brise de l'aventure intérieure, besoin d'entendre les voix mystérieuses de la nature, préservée chez vous comme dans l'Arche de Noé.

Votre côté rustique me charme, Monsieur Diard. Vous êtes sain, simple, un berger à l'état brut aux délicieuses senteurs de terre, de feu et de bois. Tout droit sorti d'un livre de Balzac, vous êtes un vrai personnage de roman, passionnant. Moi je sais apprécier votre présence. Auprès de vous je me ressource. Vous n'en n'avez pas conscience, mais vous êtes un poète, un paysan romanesque, un héros du terroir.

J'admire votre face éternelle dans la bourrasque, votre front subtil sous les rides, vos sentences paysannes pleines de fraîcheur et de bon sens.

Vous êtes un troubadour qui s'ignore Monsieur Diard. Souvent je rêve du «Clos Chauvin» avec nostalgie, je me remémore les soirs d'été passés chez vous au clair de lune, j'imagine des étoiles nouvelles qui brillent au-dessus de la prairie entourant votre domaine. J'ai le mal du pays, ce pays qui est le vôtre et qui est fait d'herbages et d'arbres, de verdure et de paille, de chants joyeux et de liberté. J'envie les hôtes qui nichent sous votre toit, hulottes ou simples moineaux. Heureuses créatures d'un éden qui se trouve à deux pas d'ici ! Laissez-moi rendre hommage au «Clos Chauvin», puisque vous semblez ignorez la poésie qui règne chez vous. Je m'empare de la lyre à votre place et vous destine ses plus beaux accords.

Vous êtes un bien noble terrien Monsieur Diard, et je ne crois pas que quelqu'un aime aussi durement, aussi tendrement et aussi vaillamment la glèbe que vous. Vous êtes un exemple pour la jeunesse citadine, un père pour ceux qui ignorent les secrets de la cambrousse. Vous tracez le frais sillon et moi je vous suivrais volontiers les yeux fermés, car je suis sûr que lorsque vous allongez le pas dans les labours, vous allez toujours droit comme tous les vrais amoureux des champs.

Je n'oublierai jamais votre silhouette farouche sous la tourmente de l'automne, ni votre habit de misère aux heures froides de l'austère saison ni votre ombre s'allongeant sur les routes au crépuscule lorsqu'au printemps vous revenez des pâturages, juché sur votre antique vélo.... Nul ne peut ignorer un hibou aussi sage que vous, âpre et gris, crotteux, couvert de poussière, grave et beau dans les lueurs du couchant. Vos ailes de vieux chat-huant portent votre âme libre et légère. Vous avez le ciel avec vous Monsieur Diard. Et les anges, les astres et les oiseaux de nuit vous accompagnent durant votre sommeil, infiniment paisible. Et à votre réveil le matin, c'est pour vous que brille le soleil et que souffle le vent.

Au revoir Monsieur Diard, à bientôt.

VOIR LA VIDEO :

https://youtu.be/eoxCTeS_Ta8

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