Un jour d'octobre je partis à la découverte de l'ombre et de l'air, de la
terre et de la lumière, de la verdure des champs et des brumes de la
forêt.
Pour pénétrer dans ces secrets horizons, j'empruntai des voies champêtres
qui me menèrent tout d'abord en des lieux banals du quotidien : chemins de
pierres monotones, allées plates balisées par l'ennui,
sentiers anodins aux apparences impersonnelles et aux issues sans
surprise.
Puis, pas à pas, je progressai vers un royaume de plus en plus étrange,
peuplé de présences invisibles, embelli par une ambiance de mystère, investi par
des souches évoquant des visages de légendes, hanté par de vieilles histoires
oubliées qui refont surface...
Et là, je croisai des hôtes de plumes aux ailes ténébreuses et au vol
silencieux, rencontrai des amis au pelage couleur d'humus, saluai des êtres de
bois aux bras sombres et massifs, me fis escorter par des importuns impalpables
aux faces de fables, aux traits tantôt de spectre, tantôt de faune...
Tandis que, plein de légèreté dans le coeur, je cheminais dans cet
environnement familier soudainement devenu insolite, je sentais à mes côtés des
compagnons vêtus de bure surgis de siècles révolus, sortes de pèlerins
sylvestres égarés entre rêves des temps passés et routes réelles de notre
époque, poser sur moi leurs regards étonnés et bienveillants.
Bien que je fusse plongé dans le merveilleux, inexplicablement tout cela me
parut naturel.
A force de m'enfoncer à travers ces milliers d'arbres aux formes oniriques,
aux profils parfois flatteurs, parfois inquiétants, je m'enivrai de leurs images
pittoresques. Et, oubliant l'heure qu'il était, je divaguai sans m'en apercevoir
dans cette foule végétale habitée par autant d'esprits que de bêtes, d'entités
légitimes que d'intrus, pour arriver au plus profond de ce monde fait de sagesse
et de racines, de lenteurs et de majesté, d'oeuvres cachées et de matière
obscure.
Et je découvris l'inimaginable : le théâtre de la sylve !
Feutré, imperceptible, tout en douceur et subtilité. Féérique et
éthéréen.
Et je fus témoin de choses extraordinaires : des personnages aux allures
augustes et aux fronts solennels, couverts de manteaux d'écorces et de chapeaux
en feuillages, se concertaient avec des interlocuteurs bucoliques désincarnés,
entre pure fumée et toile d'araignée...
Mais bientôt charmé par je ne sais quel parfum ensorcelant, je chancelai,
ma tête tourna, mes idées s'envolèrent et je perdis connaissance.
A mon réveil, comme sorti d'une fièvre, je respirai avec soulagement l'air
frais du soir, conscient d'avoir vécu une folle aventure aux confins de cet
univers forestier.
En réalité je m'étais endormi sous un chêne.
A mes pieds je vis un reste de champignon auquel j'avais goûté quelques
heures auparavant.
Et dont j'ignorais qu'il était toxique.
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